Interview de Abdelkbir Moutawakkil, Président de la Fédération de la Chimie et de la Parachimie


La chimie est en amont de quasiment tous les secteurs économiques

 

Depuis la signature du contrat-programme en 2013 et le lancement de deux écosystèmes dans le cadre du PAI en 2015, quelles ont été les principales avancées du secteur de la chimie et parachimie au Maroc ? 

 

Avant tout, nous constatons avec plaisir que l’industrie marocaine se développe, et qu’il existe une vraie volonté politique dans ce sens. Le secteur de la chimie représente, à ce titre, un double intérêt. D’un côté c’est un secteur industriel en amont de tous les autres secteurs. Il est transverse et vient se greffer à pratiquement tous les autres secteurs à un moment du cycle de vie de leurs produits pour apporter une valeur ajoutée nécessaire et bénéfique. Le progrès industriel du pays nécessitera donc forcément une industrie et une offre chimiques développées. C’est aussi un secteur d’activité avec une part importante dans le PIB national, dans l’emploi, les exportations et l’investissement. Ainsi, les industries chimiques et parachimiques ont représenté, en 2014, sur l’ensemble de l’industrie marocaine, 42 % de la valeur ajoutée, 39 % de la production, 34 % des exportations et 17 % de l’effectif.
Concernant notre dynamique, le contrat-programme signé devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI en février 2013, qui a nécessité plusieurs années de travail et de réflexion, a eu le mérite de faire une mise au point sur les axes directeurs, les freins au développement, ainsi que les leviers de croissance pour notre secteur. Il a ainsi constitué une riche matière d’œuvre pour la mise en place des contrats-performance, signés en décembre 2015 dans le cadre du Plan d’Accélération Industrielle (PAI). Ces contrats-performance sont assortis de plans d’actions, d’objectifs et de ressources.

Dans un premier temps, deux écosystèmes (chimie organique et chimie verte), ont été élaborés, mettant en exergue un certain nombre de « business cases », qui représentent potentiellement 31 projets locomotives et 48 projets PME. A terme, l’objectif est d’augmenter de 14,6 milliards de dirhams le chiffre d’affaires du secteur, d’améliorer de 9,8 milliards de dirhams la balance commerciale, de produire une valeur ajoutée directe additionnelle de 3,8 milliards de dirhams, et, enfin, de créer 33 000 nouveaux emplois directs et indirects.
Rappelons, qu’à la différence des contrats-programme de 2013, ces écosystèmes et ces objectifs n’incluent pas ceux du groupe OCP, qui du reste, sont également très ambitieux. En effet, le Groupe vise, d’une part, à inciter les fournisseurs étrangers d’intrants chimiques de ce groupe à investir au Maroc et générer ainsi une valeur ajoutée locale et, d’autre part, à valoriser des éléments autres que le phosphore, issus de la ressource minérale.

Nous sommes donc optimistes de voir notre secteur s’installer dans une spirale ascendante, et sommes confiants pour son avenir. Néanmoins, des freins subsistent et nous déployons de grands efforts avec les différents départements concernés pour les lever.
Je me permets, à ce titre, de rappeler que les nations qui ont traversé correctement les crises successives, dont celle de 2008, sont celles qui ont su sauvegarder et favoriser leur industrie chimique (Allemagne, Japon, etc.).

 

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les industriels du secteur ?

 

Nous constatons différents freins, en particulier un arsenal juridique qui est caduc, confus, parfois contradictoire, et non incitatif aux investisseurs. Citons, par exemple, le Dahir de 1914, traitant des établissements classés. Depuis sa création, notre Fédération réclame une refonte afin d’adapter cette Loi à la réalité technologique et économique actuelle, en s’inspirant des nouvelles pratiques et réglementations internationales en vigueur. Pour rappel, ce Dahir concerne tous les établissements industriels sans distinction, opérant ou non dans la chimie. De plus, il a été clairement déclaré dans les contrats-programmes, signés devant Sa Majesté en février 2013, que ce Dahir était caduc et devait être revu.
La Fédération de la Chimie et de la Parachimie (FCP) a procédé à plusieurs études et propositions pour remédier à cette lacune. En plus de ce Dahir (relevant du Ministère de l’Équipement, du Transport et de la Logistique), qui est toujours en application, d’autres textes réglementaires plus récents, sont venus rendre encore plus kafkaïen le processus permettant d’obtenir l’autorisation d’exploiter. Parmi ces derniers textes, citons ceux relatifs aux études d’impacts sur l’environnement (qui relèvent de l’Environnement, avec une enquête publique redondante), ceux concernant les prérogatives des Communes (autorisations de construire et d’habiter) ou encore ceux relatifs aux Agences Urbaines.

Les industriels de la chimie sont, en outre, pénalisés par des coûts importants en matière de logistique (à l’import et à l’export) et d’énergie (l’industrie chimique étant un gros consommateur d’électricité et de fioul). Nous sommes, toutefois, confiants en l’avenir sur ce point, du fait du développement des énergies renouvelables, moins onéreuses, et des possibilités futures offertes par le gaz naturel (plan gazier et gazoduc Nigéria-Maroc).

Parmi les autres freins, nous pouvons citer un marché local restreint. En effet, nous opérons dans une industrie capitalistique : la taille du marché est donc essentielle pour assurer la profitabilité de nos investissements. Le projet défendu par Sa Majesté de rejoindre la CEDEAO nous ouvrira de très bonnes perspectives. Le Maroc pourrait alors devenir un hub au niveau chimique, en s’appuyant notamment sur la présence du Groupe OCP, et d’autres opérateurs de notre secteur qui disposent d’une offre exportable.

Pour promouvoir notre export, nous avons également interpelé Maroc Export sur la nécessité de tenir compte des spécificités de notre industrie dans l’élaboration des offres de soutien à l’export. Cela concerne essentiellement la logistique en direction de l’Afrique. Un benchmark international a été fait et les discussions ont été lancées.

Enfin, notre industrie est particulièrement sensible à la problématique de la formation et de la qualité des ressources humaines. Il s’agit, certes, d’une problématique transverse à tous les secteurs, mais nous sommes particulièrement concernés du fait que nous employons essentiellement des salariés disposant d’un haut niveau de qualification. Nous éprouvons, malheureusement, de plus en plus de difficultés à recruter un middle management compétent.

 

Aujourd’hui, comment est structuré le secteur de la Chimie et de la parachimie ? Quelles sont les synergies mises en place avec les autres industries ?

 

La chimie se place en amont de quasiment tous les secteurs économiques. Comme je l’ai déjà souligné, le développement industriel au Maroc impliquera donc, forcément, un développement de l’industrie chimique. Actuellement au Maroc, l’essentiel de l’activité du secteur est concentré sur la chimie de base. Il existe également d’autres secteurs tels que les fertilisants à base de phosphate, la pharmacie, la peinture, la détergence, etc. qui sont matures et très performants. Dotés d’un grand savoir-faire technologique et commercial et disposant d’une offre compétitive, ces industries sont très actives à l’export, notamment en direction de l’Afrique. D’autres secteurs sont amenés à se développer comme la cosmétique, les extraits naturels, qui sont à la croisée du PAI et du Plan Maroc Vert, ou encore la chimie pour les industries aéronautiques et automobiles, etc.

Nous souhaitons inscrire la stratégie du développement de la chimie marocaine autour des besoins des nouveaux Métiers Mondiaux du Maroc, mais aussi, et surtout, autour de la ressource naturelle locale minière (les phosphates, les minerais métalliques tels que le cuivre, cobalt, etc.) et végétale, notamment les Plantes Aromatiques et Médicinales (PAM).

Pouvez-vous nous parler de l’initiative « Responsible Care » ?

 

Le « Responsible Care » est une initiative volontaire, développée et adoptée par les industriels de la chimie à travers le monde (aujourd’hui dans plus de 65 pays) pour améliorer la sécurité, la santé et la protection de l’environnement. Notre fédération est la deuxième en Afrique, à avoir adhéré à cette initiative, en 1998, en lui donnant le nom d’Engagement de Progrès. Le troisième pays africain à rejoindre ce mouvement a été l’Égypte en 2016. Le dynamisme de notre fédération a fait que l’Instance Internationale nous sollicite aujourd’hui pour promouvoir cette initiative au niveau de l’Afrique. 36 sociétés membres de la FCP ont déjà signé cette charte et communiquent annuellement leurs indicateurs de progrès.

 

Aujourd’hui, quelle est la stratégie de la Fédération de la Chimie et de la Parachimie ?

 

Notre objectif est de doter notre pays d’une chimie forte, capable de générer de la croissance, du revenu et de l’emploi et de réduire le déficit de la balance commerciale. Cela passera notamment par la consolidation de l’existant, le développement des filières en rapport avec les nouveaux Métiers Mondiaux du Maroc comme l’automobile ou l’aéronautique, par une plus grande valorisation de nos ressources naturelles (minières et végétales), ainsi que par le renforcement de nos partenariats avec les pays africains.

Dans le cadre des contrats-performance que nous avons signés avec le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie Numérique, et le Ministère des Finances, différentes mesures ont été décidées. Elles visent, notamment, à valoriser les ressources naturelles du pays par la transformation chimique et le développement de nouvelles activités de sourcing, et ce, dans le but de limiter la dépendance vis-à-vis de l’étranger et de pérenniser les filières servant les besoins fondamentaux des autres secteurs. Il est également prévu de développer de nouvelles filières environnementales et de recyclage.

Cette stratégie doit être soutenue par un certain nombre de mesures transversales telles que la revue du cadre réglementaire général. Cela devrait conduire à une redéfinition de la législation traitant de l’emplacement géographique de nos installations, du processus de l’autorisation de construire et d’exercer, du sourcing de matières premières locales, d’homologation et de normalisations de nos inputs et outputs. Sans oublier, bien sûr, une politique efficiente en matière d’encouragement à l’investissement et de recherche et développement.

Par ailleurs, la FCP est en train de revoir sa communication auprès du public et de ses partenaires institutionnels et privés. Nous visons à rectifier les idées préconçues que l’on peut se faire sur nos installations et nos produits. Nous avons aussi entamé une série de meetings pour présenter et communiquer sur nos écosystèmes. Un plan de communication sur les potentialités chimiques de notre pays est également prévu dans le cadre de certains évènements internationaux, en collaboration avec l’AMDI, Maroc Export, l’ANPME et, bien entendu, le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie Numérique.

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